Olympia de Thomas Monin - Muséum La Rochelle

Thomas Monin : INTERVALLE. OLYMPIA.AURORA

Depuis le début du mois de novembre 2019, Thomas Monin présente l’exposition simultanée d’Olympia et d’Aurora au Muséum d’Histoire Naturelle et au Musée Maritime de La Rochelle. Une installation prévue jusqu’à l’été 2020.

Aurora de Thomas Monin - Musée Maritime

« Les œuvres Aurora et Olympia sont exposées respectivement au Musée Maritime et au Muséum d’Histoire Naturelle de La Rochelle, parallèlement à l’exposition Climat-Océan du Musée Maritime. Les deux œuvres tournées l’une en direction de l’autre, dialoguent à distance, selon un axe Nord-Sud propre à la situation des deux musées. L’une, posée sur le ventre au sommet du slipway du Musée Maritime et l’autre assise, contemplative, sur la pelouse du jardin botanique, à l’arrière du Musée d’Histoire Naturelle.

Olympia de Thomas Monin - Muséum La Rochelle

Les silhouettes monumentales et mystérieuses de cette baleine et de cette louve fantômes, phosphorescentes à la nuit tombée, chacune à égale distance du vieux port, épicentre historique de la vie rochelaise, chacune affectée à sa géographie muséale propre, tentent de créer un dispositif symbolique et poétique.

Aurora de Thomas Monin - Musée Maritime
© Thomas Monin

Ces deux œuvres sont faites de tiges métalliques blanches gainées de silicone phosphorescent. Elles font parties d’une série d’animaux fantômes dont je poursuis la création depuis plusieurs années. Chacune porteuse de son monde fantasmé, elles se côtoient ici, à distance, comme Nord et Sud, terre et mer, jour et nuit, vie et mort, créant ainsi un INTERVALLE symbolique… Une espèce lointaine, le Pakicetus, aurait vécu entre 55 et 40 millions d’années, puis évolué en deux branches, l’une terrestre et l’autre marine. L’ancêtre de la baleine aurait été une espèce terrestre, ancêtre elle aussi du loup. Voilà donc des retrouvailles distanciées. Voilà un intervalle où se réinvente – peut-être – quelque chose du mystère de la vie et de son évolution. Quelque chose qui nous englobe, nous dépasse et nous donne à voir – peut-être – un peu du mystère de notre existence propre. Voilà la tentative d’un art animal, qui nous permettrait – peut-être – de nous aider à assumer enfin notre animalité…

Aurora de Thomas Monin - Musée Maritime

Le monde vivant est aujourd’hui bouleversé dans son équilibre, l’Arche de Noé ne cesse de s’échouer… Le plus grand animal actuel et même le plus grand animal n’ayant jamais existé, la baleine bleue, celle qui contient dans son volume, la potentialité d’héberger toutes les espèces, est menacée d’extinction. Aurora est un presque rien immense, seulement formé d’une trame légère, comme une dentelle. Un monde vivant qui résiste à l’effondrement de la diversité de ses formes et qui tente, par sa luminescence, de lier les jours entre eux, comme pour passer la nuit. Aurora, c’est le nom de ce navire, disparu au large du Chili en 1918, qui fut d’abord un baleinier, puis un bateau destiné à l’exploration scientifique. Bateau fantôme. Epave tragique et magique qui dit qu’aux seuls survivants reviennent les aubes extravagantes…

Olympia de Thomas Monin - Muséum La Rochelle

C’est peut-être la domestication elle-même, qu’Olympia, la louve, semble contempler, postée dans la verdure, comme ces animaux qui choisissent les endroits dégagés pour mieux voir d’où viennent les chasseurs, mais qui, de fait, s’exposent mieux à leurs tirs… Dans de nombreuses cultures humaines, le loup et en particulier la louve, nous accompagnent, comme frère et sœur de sang, comme des âmes sœurs. L’antinomie du chien, le loup-garou, diable incarné, dont la gueule surgit de nuit comme la mort, se révèle aussi, au féminin, symbole de fécondité mythique et régulateur biologique des écosystèmes… Mais l’opposition farouche d’une partie de la population à la présence de Canis Lupus n’est pas sans rappeler que son hurlement provoque encore l’effroi et cristallise nos émotions, à l’instar du fantôme, entre peur et fascination. Aussi, la louve s’impose, triomphante, comme un rempart symbolique au patriarcat – Craignez sa sauvagerie, phallocrates !

Olympia de Thomas Monin - Muséum La Rochelle
© Thomas Monin

Elle finira bien par nous donner l’accès à certains territoires de nous-mêmes, de l’autre, du féminin et du masculin, de l’univers… On oublie que la moitié des loups sont des louves, comme on oublie que la moitié des hommes sont des femmes. Au moment où la société évolue – espérons-le – sur la place de la femme, cette louve nue, aux mamelles ostensiblement visibles, corps fantôme de mère allaitante, nous interroge sur cette singulière ’’maladie’’ de genre : pourquoi construire toujours des remparts entre la nature et nous ? Pourquoi le corps nu est-il encore tabou, comme à l’époque de l’Olympia de Manet, qui choquait par sa crudité ?… Ici, nos visages sont au niveau des mamelles de la grande bête. Nous voici louveteaux…

Aurora de Thomas Monin - Musée Maritime

Ici, l’anthropocentrisme n’est pas de rigueur, et l’expression ne relève pas de la cosmétique. Ici, l’objectif est de soutenir un contre-feu face à ce qui semble aller contre la perpétuation de la vie. Il s’agit, avant tout, de ne pas concevoir l’humanité comme une maladie incurable du vivant. Tenter d’inventer un art animal, en sécrétant des dispositifs orientés vers l’acceptation de l’animalité dans tous ses lieux de déploiement, y compris dans la conscience elle-même. Ebloui par la symbiose et conscient des liens entre systèmes biologiques et processus culturels, je voudrais atteindre ce point d’association entre les organismes ne pouvant vivre les uns sans les autres, chacun d’eux tirant bénéfice de cette association. Aurora et Olympia, comme des unions étroites entre ce que nous sommes et ce dont nous sommes, associées à distance pour créer ici cet INTERVALLE, invitent à l’exploration des rapports intimes que nous entretenons avec la matière vivante, et voudraient masser à la fois le corps et la pensée.  » Thomas Monin, 2019

Olympia de Thomas Monin © Mathieu Vouzelaud
© Mathieu Vouzelaud

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